dimanche 2 décembre 2012

ANNEE 1930 : UN HIVER TRES DUR

Hiver très dur, commencé tout début janvier. Le gel continue jusqu’au 15 mars, avec des pointes allant jusqu'à moins 22 °C. Cela ne facilitait pas nos déplacements, d'abord parce que la voiture se refusait à partir. Il fallait la remorquer à chaque départ et, lorsque nous allions dîner chez des amis, nous étions contraints à descendre toutes les heures pour la remettre en route. Autre souci : notre voiture était une Torpédo avec une capote en toile et des côtés en toile avec fenêtres en mica...
 
 
Le gouverneur de Metz était le général de LARDEMELLE, parent des RAVINEL. Il nous avait invité à son bal. Votre mère était partie le matin pour passer la Journée chez sa mère. J'emmenais avec moi Wilheim LEGRIX de la SALLE par un brouillard givrant tel que je me suis perdu dans Fameck. Voyant le brouillard augmenter, nous ne nous sommes pas attardés au bal et en sommes repartis vers 1 heure. Obligation d’enlever le bas-côté en toile de mon côté. Il fallait conduire la tête au dehors par moins 22 °C, et même, dans certains endroits, faire marcher Wilheim LEGRIX de la SALLE devant la voiture avec une lampe de poche pour me guider. Votre mère, parée d'une peau de bique de son père servant de couverture par-dessus son manteau de fourrure, était accroupie à l'arrière, dans le fond de la voiture. Nous arrivâmes ainsi à Hayange vers 4h30, après 3h de marche pour faire 30 kilomètres. En arrivant, punch bien tassé et, à 7h30, bureau...
 
 
Vie très mondaine à Metz et dans la région. Réceptions à Lue chez les d'ARGENTRE, à Peltre chez Mme de GARGAN, à Bétange chez les MITRY, votre mère commençant à être en grande amitié avec Marguerite de MITRY.
 
 
La garnison de Metz reçoit énormément : LEMUT, CALLIES, Pierre de PREVAL. Il y a aussi les Jacques de BOUVIER (parents de Chantal), les GUERMONT et les soirées de Madame de DISTROFF qui porte vaillamment ses 80 ans et fait la loi dans le Metz mondain. Elle avait été, pendant l'occupation, de 1870 à 1914, présidente des « Dames de Metz » qui oeuvraient pour le maintien de la présence française et cela lui donnait un grand prestige dont elle usait pour se montrer très sélective dans ses relations, et parfois, assez acerbe dans ses appréciations. J'ai encore, dans ma vitrine, la cocarde que portaient les « Dames de Metz », cocarde tricolore d'où partaient 4 pans de ruban : deux tricolores, un noir en signe de deuil, et un vert en signe d'espérance.
 
 
Nous passons nos vacances à Labaroche, au-dessus de Colmar, avec votre grand-mère et vos deux tantes de RAVINEL. Nous avions loué une petite maison entourée d'un pré, située sur la hauteur qui dominait la vallée. Il y avait les chambres nécessaires mais pas de living. Nous prenions donc nos repas dans l'entrée, sur une table de fortune. Les ressources de Labaroche étaient très réduites à l’époque et votre mère, quand je n'étais pas là, descendait à pied jusqu'à Ammershwihr (à 2kms de là) pour y acheter du vin d'Alsace et certaines provisions qu'elle remontait dans un chariot alsacien que Sabine et Claude aidaient à pousser.
 
Labaroche
 
 
Les grandes distractions étaient d'aller aux Trois Epis, à 3 kms de là, et de descendre en auto jusqu’à Colmar, ville curieuse avec sa maison des Têtes.
 
 
Maison des têtes à Colmar
 
 
Nous avons reçu la visite des tantes de la Ruche, descendues à l'hôtel. Elles venaient prendre leur goûter avec nous. Elles aussi, malgré leur âge, firent la promenade des Trois Epis.
 
 
L'année 1930 voit la crise des Etats-Unis gagner l'Europe. Les usines doivent réduire leur production, et par conséquent, non seulement diminuer leurs effectifs mais encore opérer une restriction sur les heures de travail du personnel conservé. Tous les traitements et salaires sont réduits de 5%. Toutes les augmentations de traitement pour avancement sont supprimées. Certaines sociétés pratiquent une poLitique si dure que les ouvriers ne peuvent plus vivre avec leur salaire, d'autant que les allocations familiales sont infimes à l’époque. Les familles nombreuses sont encore plus touchées que les autres.
Source : Quelques souvenirs de famille, par Joseph BERNARD-MICHEL

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