samedi 19 mai 2012

Uckange : maison des Bernard-Michel

 
Maison familiale des BERNARD-MICHEL à Uckange (de 1829 à 1971)

La famille de mon père s'est installée à Uckange en 1754 et y est restée à demeure jusqu'en 1871, époque à laquelle mon grand-père a opté pour la France après l'annexion de la Lorraine messine à l'Allemagne, afin de garder la nationalité française. Ne pouvant, en qualité de Français, résider plus de six mois par an en Lorraine annexée, mon grand-père (qui s'était fixé à Nancy comme nombre d'Alsaciens-Lorrains ayant refusé le joug de l'Allemagne) dut alors affermer ses terres et confier à un gérant, Monsieur HERGAT, père de Madame KRIER, l'exploitation de la scierie familiale. Il conserva cependant la maison familiale où il s'astreignait à séjourner de juin à novembre afin de maintenir une présence française dans le village. Mon père conserva la propriété où, après sa mort, nous nous installâmes après l'avoir modernisée. Nous y vécûmes de Noël 1937 à octobre 1971. Des liens très anciens attachent donc notre famille à ce village lorrain devenu, depuis 1960, une petite ville industrielle de 15000 habitants. Le père de votre trisaïeul BERNARD-MICHEL fut maire d'Uckange de 1795 à 1806 et mon grand-père fut également le premier magistrat de la commune de 1865 à 1868, date à laquelle il donna sa démission à la suite d'un désaccord survenu au sujet de l'emplacement de la construction du cimetière actuel.

Jardin de la propriété familiale d’Uckange

Uckange est une cité millénaire, établie le long de la Moselle, rivière qui était déjà, à l'époque de CHARLEMAGNE, le trait d'union entre la Lorraine et les pays rhénans. On cite son nom lors de la bataille de 1106 entre Thierry (le neveu de Godefroy de BOUILLON), Henri (comte de Luxembourg) et Godefroy le Barbu (gendre de l'empereur Henri V), bataille qui se déroula dans la plaine, entre Uckange et Ebange et où le sang coula à flot. L'année 1325 vit la "Guerre des Quatre Rois" ou "Guerre de Metz" où les Messins firent une sortie en masse incendiant tout sur leur passage jusqu'à Hettange. Uckange n'échappa pas à ce sort. Le bourg se releva de ses cendres mais, avant la Révolution, il ne comprenait que 60 familles, concentrées dans deux îlots, l'un à l'emplacement de la rue actuelle de la Moselle, l'autre à l'emplacement de la rue actuelle du presbytère. Uckange dépendait alors de la seigneurie de Pépinville et du couvent des Prémontrés de Justemont qui fut démoli à la Révolution et dont les moines se dispersèrent à ce moment. Le système défensif de la région était assuré par un groupe de châteaux forts comportant :
- le couvent de Justemont, défendant l'accès de la vallée de l'Orne,
- le château de Gassion, à l'emplacement des hauts fourneaux actuels de Thionville, démoli vers 1890, et qui défendait l'accès de la vallée de la Fensch,
- un château fort à l'embouchure de l'Orne qui fut démoli bien avant la Révolution à la suite d'une attaque menée par les mariniers en révolte contre la propriétaire du château qui leur imposait un droit de passage jugé par eux excessif. Le rôle défensif assuré par ce château fut repris par le château de Bertrange, donné plus tard par l'empereur Napoléon ler au général-baron d'Empire BERTRAND, ami de ma famille et dont la tombe se trouve encore dans le cimetière bordant l'église de Bertrange.


Intérieur de la maison familiale d’Uckange

Ce ne fut qu'à partir de 1830, époque où la route de Longwy fut construite et où la route de Metz à Thionville fut mise hors d'eau, que le village d'Uckange prit un réel essor. A ce moment, aux commerces de bois déjà existants (provenant de la faculté de recevoir par flottaison sur la Moselle les radeaux de bois des Vosges) s'ajoutèrent les arrivages de charbon de la Sarre par petites barques. Ces charbons étaient décharnés au moyen d'une roue à aubes située sur le côté d'une sorte de quai avançant dans la Moselle (à l'extrémité de notre jardin et appartenant à ma famille). Cette roue était garnie d'échelons et des hommes faisaient tourner la roue en montant d'un échelon à l'autre. Des aubes de la roue, le charbon tombait dans des tombereaux à chevaux qui le transportaient à Hayange et même jusqu'à Longwy. La petite maison située à l'extrémité de notre jardin, au coin de la rue du Bac, était louée par ma famille à la maison de WENDEL qui assurait la gestion du transbordement. C'était l'embryon du port d'Uckange que j'ai été amené à diriger.

Jardin de la propriété familiale d’Uckange

Le développement des routes et des transports routiers, l'intersection à Uckange des routes de Metz-Thionville et de Longwy-Uckange, entraînèrent l'installation dans la localité d'un important relais de poste dont on voit encore le portail en face de la gendarmerie actuelle ainsi que les locaux de l'auberge situés entre ce portail et le croisement des deux routes. En même temps, l'essor industriel commencé sous le règne de Louis-Philippe se traduisit à Uckange par la création d'industries attirées par la proximité du sable de Moselle et par l'abondance de l'eau dans le sous-sol. Parmi elles, on peut citer la tannerie de la famille NOEL, la fabrique de bouteilles de champagne de la famille BECKER, la brasserie de la famille ENSEL. Néanmoins, même après l'installation (vers 1896) d'une usine de fonte de moulage sur son territoire, Uckange restait un gros bourg comportant plusieurs grosses fermes et de nombreuses exploitations artisanales. Mes souvenirs d'enfance restent très nets et je crois encore entendre la trompette du berger qui, enfant, me réveillait chaque matin, accompagnée du chant des coqs de la ferme d'en face qui appartenait alors à mes grands-parents et fut échue en partage à mes neveux LEPETITPAS.  Qui pourrait réaliser à ce jour qu'à l'époque, au son de la trompette du berger à la barbe rousse (surnommé "Béquillard" à cause de sa claudication), les portes des fermes s'ouvraient et qu'un flot de porcs, de chèvres et de moutons parcourait le village chaque matin comme chaque soir pour se rendre au pâquis communal et en revenir.

Intérieur de la maison familiale d’Uckange

Evidemment, l'entre-deux-guerres vit la disparition de nombreuses exploitations artisanales, notamment la tannerie, la fabrique de bouteilles de champagne, et enfin, la brasserie. La population ouvrière restait stable et se fondait assez bien avec celle du vieux Uckange. Ce n'est qu'en 1954, après la mise en route des usines de Sollac, que la transformation d'Uckange en une cité dortoir de 15000 habitants s'est faite progressivement. Sollac, qui se créait de toutes pièces, avait besoin, pour recruter sa main d'oeuvre et pour la fixer en Lorraine, d'assurer un logement à ses ouvriers. Elle porta son choix sur les communes environnantes, acceptant l'installation de grands ensembles sur leur territoire. Uckange, hélas, fut de celles-ci. La circulation intense, les usines envahissantes, le bruit et la poussière en résultant, l'installation à Paris de quatre de nos enfants nous ont décidé, en 1971, à vendre la maison familiale (non sans un serrement de coeur bien compréhensif) pour nous installer à Saint-Cloud, à proximité des ménages de quatre de nos enfants, le ménage de Philippe continuant  à  perpétuer (à Metz) la présence de la famille en Lorraine.

Intérieur de la maison familiale d’Uckange


Tombe de la famille Bernard-Michel à Uckange

Source : Quelques souvenirs de famille, par Joseph Bernard-Michel, 1981

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