mercredi 23 mai 2012

Jeanne Marie CHATILLON (1873-1945)

Issue d'une vieille famille lorraine, Jeanne Marie CHATILLON est née à Terville, ville annexée à l'empire allemand en 1871, ses parents n'ayant pas opté pour la France à l'époque, croyant préférable de rester dans le pays pour y maintenir la culture française. Toute sa jeunesse a été hachée par le fait de l'annexion. Ses frères, dès qu'ils eurent l'âge de 10 ans, furent mis en pension chez les jésuites, rue de Madrid à Paris, de sorte qu'elle se trouvait seule, avec ses parents pendant toute l'année scolaire.

De plus, ses frères, lorsqu’ils eurent dix huit ans, afin d'éviter de figurer sur les rôles de l'armée allemande, partirent définitivement en France. Considérés comme déserteurs, ils ne pouvaient revenir à Terville, chez leurs parents, qu'en cachette et pour de très courts séjours gâtés par la crainte qu'ils soient dénoncés. De cette solitude et ces craintes, Jeanne Marie avait conservé un souvenir très pénible qui avait certainement nui à son épanouissement. Le fait que, par son mariage, elle soit tombée dans une famille nombreuse, avec des belles-soeurs célibataires à fortes personnalités et en grande admiration devant leur frère, n'avait pas aidé à lui rendre l'assurance et la gaieté. Elevée dans des principes très sévères, elle était avant tout une femme de devoir, très pieuse, très sentimentale au fond d'elle même mais ne le laissant pas percevoir.


Lors de la déclaration de guerre, en août 1914, elle se trouvait à Terville chez ses parents avec ses trois filles. Prévenue trop tardivement, elle resta en Lorraine annexée après la déclaration de guerre. Etant française, elle était passible d'un camp de séjour d'étrangers. Elle essaya de fuir et arriva jusqu'à Mayence où elle fut retrouvée et affectée en séjour surveillé chez des religieuses qui eurent pitié d'elle. A force de démarches, elle parvint à avoir un laissez-passer pour la Suisse et partit sur l'heure. Bien lui en prit car une heure après son départ, on venait pour l'arrêter. Elle arriva par la Suisse à Nancy où elle s'installa chez ses cousins HAUSHALTER. Nancy étant bombardé, elle se fixa à Suresne chez son frère Emmanuel qui, veuf et sur le front, mit son appartement à sa disposition. C'est en juillet 1917, à Saint-Valéry-en-Caux où elle passait ses vacances avec ses enfants qu'elle apprit la mort de son mari au Chemin des Dames. Elle fut très courageuse et se dévoua entièrement à l'éducation de ses enfants. Dès l’armistice, elle rejoignit sa mère à Terville où celle-ci, qui avait terriblement souffert de sa solitude étant coupée de tous ses enfants, mourut en 1919.


Photo de famille à la propriété "La Ruche" (Sommerviller, 1898)
De gauche à droite : Gabriel de Ravinel, Jeanne Chatillon et Henri Chatillon

Seule, sans soutien autre que ses enfants, elle alla se fixer à Metz où elle eut des années heureuses entourée de ses filles et de son fils Hubert qui, ayant réussi Saint-Cyr, fut durant deux ans en garnison aux chasseurs à pied dans cette ville.



En 1925, son fils Hubert partait sur sa demande pour le Maroc, et grièvement blessé, mourut à Rabat. Ce fut un coup terrible pour Jeanne Marie qui le supporta avec courage. Lorsqu'en 1934, Nicole de RAVINEL épousa Jean MENGIN et revint du Gabon en 1937 pour s'installer à Saint-Cloud, Jeanne Marie l'y suivit.

En 1941, après la débâcle, les MENGIN repartant à Casablanca, Jeanne Marie fit sa vie avec Marie-Louise de RAVINEL, suivant les hasards de la situation de celle-ci, à Saint-Etienne du Rouvray (près de Rouen) en 1942, puis à Rosières-aux-Salines où elle mourut en mars 1945.


Source : Quelques souvenirs de famille, par Joseph Bernard-Michel

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