mardi 29 mai 2012

Isabelle de RAVINEL (1900-1973)

Isabelle de RAVINEL naquit le 15 septembre 1900 à Toul (54). Elle vécut une enfance heureuse à Remiremont, son père étant affecté au 160ème régiment d’infanterie de Toul. Malheureusement, en 1917, son père, Gabriel de RAVINEL, fut tué au Chemin des Dames.


Photo d'Isabelle de Ravinel


Le 16 juillet 1921, Isabelle de RAVINEL se fiança à Joseph BERNARD-MICHEL à Metz. Le mariage eut lieu le 3 janvier 1922.

Mariage de Joseph et Isabelle


Durant toute la période d’avant-guerre, Joseph et Isabelle BERNARD-MICHEL habitèrent à Uckange (57). Isabelle s’occupa de l’Action Catholique Générale Féminine (ACGF) avec Mme NOEL et cela lui valut de nombreux entretiens avec son amie Marguerite de MITRY.

Durant la guerre 39-45, la vie d’Isabelle fut très difficile car elle eut la lourde charge de protéger et déplacer ses 5 enfants (Sabine, Claude, Colette, Philippe et Edouard) durant toute la période de la guerre où Joseph BERNARD-MICHEL fut mobilisé et donc absent.


Photo de famille des 5 enfants Bernard-Michel
De gauche à droite : Claude, Sabine, Colette, Philippe et Edouard



En 1939, Isabelle doit déplacer toute la famille à Libourne pour la mettre en sécurité face à l’offensive allemande.

Avant l'arrivée des Allemands, Emmanuel CHATILLON était passé à Libourne puis en Espagne, son père ne voulant pas qu’il puisse être pris par les Allemands. Claude BERNARD-MICHEL étant de son âge, Isabelle prend peur pour son fils. Heureusement, elle prend conseil auprès de M. EPERON, directeur des aciéries de Longwy, replié à Libourne. Il est la sagesse même et conseille à Isabelle de garder son fils aîné Claude avec elle.

Cependant, voulant mettre du champ entre sa famille et l'occupant, Isabelle cherche à obtenir un « Ausweis ». Au deuxième jour d’attente, elle allait passer quand un soldat allemand l'en empêche, la limite étant atteinte pour ce jour là. Sans se démonter, Isabelle de RAVINEL soulève le bras du soldat et passe en faisant valoir ses cinq enfants.

Une fois munie d’un laissez-passer, il lui fallait faire accepter les cinq malles, les sacs et les caisses représentant les « biens » modestes qui restaient à la famille. Isabelle alla en gare, accompagnée de ses cinq enfants et, impressionnant ainsi les occupants, arrive à tout faire passer sans examen.


Photo d'Isabelle de Ravinel


Arrivées à Lyon, Isabelle et sa belle-mère, Jeanne SEROT-ALMERAS-LATOUR, n'ont plus que de maigres ressources et c’est l'affolement. A la rigueur, Jeanne peut aller à l'hôtel mais il n'en est pas question pour Isabelle et les cinq enfants. Heureusement, les BEAUFORT sauvent Isabelle en lui prêtant leur appartement de Grenoble.

En 1941, la famille se déplace à Montpellier où Joseph BERNARD-MICHEL a trouvé une situation professionelle.

Joseph fait venir Isabelle qui a le souffle un peu coupé lorsqu’il lui annonce qu'en trois jours il va falloir s’installer à Montpellier. Mais Isabelle sait se montrer à la hauteur dans de telles circonstances. Elle fait les antiquaires, les magasins de meubles, les faïenciers, les quincailliers, etc... Et 48 heures plus tard, elle part retrouver ses enfants à Grenoble alors que Joseph meuble l'appartement avec ce qui lui parvient de toutes parts.

En 1942, la famille se déplace à Marseille où un nouveau poste est proposé à Joseph.

En 1944, le ravitaillement devient de plus en plus difficile à Marseille. Pas de lait, pas de matières grasses, presque plus de viande. Que sera-ce s’il y a des bombardements qui désorganisent encore la vie ou un débarquement dans les environs comme on semble le craindre ? Après de longues hésitations (car les études des enfants en souffriront), Joseph décide qu’Isabelle doit partir au plus vite avec quatre des enfants (Sabine, Colette, Philippe et Edouard) dans la petite maison louée en été 1943 à Saint-Germain-l’Herm où, au moins, ils pourront se ravitailler dans les fermes.


Maison de Saint-Germain-L'Herm

L'avant-veille du départ, Philippe a de la fièvre et se plaint de la gorge. Il est nécessaire de le gaver de médicaments et début février, Joseph conduit tout mon monde à Nîmes. Il embarque ensuite toute la famille dans le train pour Issoire, où des chambres sont retenues à l'Hôtel, puis il repart pour Marseille.

Deux jours après, il reçoit la lettre tant attendue d’Isabelle. La pauvre a eu des émotions terribles car, au fur et à mesure que le train se rapprochait d'Issoire, Philippe rougissait de plus en plus. Il avait la rougeole et il fallait s'attendre à ce qu'Edouard suive dans la huitaine ! Voilà donc Isabelle bloquée à Issoire avec deux malades pendant 13 jours au moins. Cela lui laisse le temps de trouver une pension pour Colette. Pension de religieuses à l'esprit étroit. Colette, à l'esprit vif et quelque peu frondeur, ne peut se faire à ce genre de pension et rue des quatre fers pour s'en faire renvoyer, ce qui ne tarde pas. Les bus pour Saint-Germain-l’Herm fonctionnent mal car il est tombé beaucoup de neige. Isabelle ne pouvant quitter ses malades, elle envoie Sabine en éclaireur pour au moins chauffer la maison. Mais il n'y a encore aucun meuble ...

Isabelle arrive peu après et, organisée comme elle l'est, arrive à louer ici un lit, là une table, plus loin des chaises, et avec les bagages emportés de Marseille, arrive à meubler convenablement la petite maison où Philippe couche dans la salle à manger, Isabelle et Edouard dans une chambre et les deux filles dans l'autre. Et elle sait donner à tout cet assemblage une note personnelle comme elle a su si bien le faire dans tous les lieux où la famille a habité.

A la fin de la guerre, toute la famille peut enfin retourner dans la maison familiale d'Uckange.

Le 30 décembre 1747, à dix heures, Joseph était au bureau sans avoir reçu le moindre SOS d’Isabelle, lorsque Mr de MITRY lui téléphone en lui conseillant de partir rapidement à Uckange. Joseph téléphone à Isabelle : à Uckange, le jardin est sous l’eau et le cochon qui se trouve dans la chaufferie a dû être évacué. Joseph arrive après avoir été chercher des provisions à l’économat de l’usine et ne peux plus atteindre la maison. L'eau vient jusqu'au carrefour où un canoë attend les riverains. Il y monte et, chargé comme il l’est, perd son équilibre et tombe à l’eau. Trempé, le bateau ne lui servant plus à rien, il part à pied dans la flotte jusqu'à la maison avec de l’eau jusqu'à la ceinture. Il a fallu arrêter le chauffage central, l'eau venant presque dans la chaufferie, et déplacer le cochon pour le mettre dans l'office. Philippe est en maillot de bain en train de sauver poules et lapins. Les poules sont placées dans la partie surélevée du bûcher et les lapins, dans des caisses placées dans le couloir du ler étage. L'eau montant toujours avec une grande rapidité, la famille se décide, vers 15 heures, à monter au ler étage tout ce qu’il est possible de monter : tapis, objets, meubles, ... et le cochon, qui est installé sur le palier de l'escalier montant au grenier. Isabelle s'occupe de décommander les MENGIN et de faire cuire tout ce qu'elle peut. Enfin d'après-midi, l'eau pénètre au rez-de-chaussée et la crue se poursuit … Pendant la nuit, l'eau monte d’une marche d'escalier par heure et Joseph se demande si la famille ne devrait pas aller au grenier mais, heureusement, à partir de onze heures, la montée ralentit sensiblement et à 2 heures, la crue est enfin terminée. Isabelle de RAVINEL a eu très peur. Et il faut dire que devant cette masse d'eau arrivant avec une force qui empêche l'emploi de toute embarcation de secours, les épaves qu’elle charriait et qui défilaient devant nos fenêtres, la situation ne portait pas à l’optimisme.


 Uckange sous les eaux en 1947

Le 1er janvier 1948 débute tristement, sans téléphone, ni gaz, ni électricité. La Moselle commence à baisser rapidement mais les murs du jardin disparaissent encore sous l'eau et des barques passent au-dessus pour venir ravitailler les riverains. On se sent déjà moins solitaire. Il fait froid dans la maison ; seul un poêle dans le couloir du 1er, autour duquel la famille se serre ... Mais quelle humidité ... Le soir, le rez-de-chaussée est de nouveau hors d’eau. Que de dégâts ! Les parquets, heureusement, ont tenu mais les plâtres, les papiers et les peintures sont à refaire.


La maison Bernard-Michel sous les eaux en 1947

Le lendemain, la famille peut reprendre la vie au rez-de-chaussée et peut rallumer le chauffage central. Mais la famille ne peut encore sortir de la maison, isolée par les eaux. Vers le soir, avec des bottes de caoutchouc, Joseph peut aller jusqu’à l'entrée du village où Mr de MITRY l'attend avec sa voiture et des boîtes de conserve. Par trois fois il a essayé, mais en vain, d’atteindre la maison. Il viendra le lendemain chercher Colette, Philippe et Edouard pour les emmener à Bétange.

Isabelle est très agitée par ce qu'elle voit après le départ des eaux. Des familles auxquelles elle s'intéresse ont été très sinistrées. Avec sa bonté naturelle, elle cherche à les aider et se fatigue beaucoup. Elle attrape froid et doit s'aliter.

En 1964, c'est à l’issue d'une visite médicale que le docteur FROELICH apprend à Joseph qu’Isabelle est atteinte d'un cancer et qu’il convient qu’elle consulte soit à Nancy, soit à Paris. Quelle douche froide ! Avec un courage admirable, Isabelle continue à prendre les dispositions pour l'aménagement de l'appartement de Cannes comme si rien ne s'était passé. Le couple part à Paris le 11 novembre 1964 pour consulter. Le docteur FROELICH a donné deux adresses, l’une d’un médecin qui reçoit chez lui, l'autre du spécialiste américain de Neuilly, le docteur BARCLES.

Joseph choisis le premier médecin qui reçoit le couple dans un superbe appartement près du pont de l'Alma. Il examine Isabelle, lit le mot de FROELICH et, pendant qu’Isabelle se rhabille, annonce à Joseph que la sorte de cancer qu'a Isabelle évolue toujours mal et conseille qu'elle soit opérée par FROELICH auquel il donnera les indications nécessaires.


Photo d'Isabelle de Ravinel

Isabelle revenue dans son cabinet, le médecin lui annonce ce qu'elle a en lui disant, naturellement, qu'elle guérira. Isabelle, qui ne se faisait pas d'illusion, supporte très courageusement le choc et, après celui-ci, a le cran d'aller assister à la réunion de mariage d'une des filles de Jean-Louis MENGIN, un de ses cousin.

Le 26 mars 1973, Isabelle subit la visite périodique chez le Dr MOÏSE qui, hélas, trouve une grosseur à l'aine. Isabelle, heureusement, ne se rend pas bien compte de la gravité du mal mais note qu'elle n'a plus de courage pour une nouvelle opération.

Cependant, le 5 avril, veille de son entrée à l'hôpital, Isabelle a le courage de recevoir à goûter sa soeur Nicole, les Pierre CHATILLON, les SAINT MARS GIRARDIN (amis de Nicole), Lily MENGIN, Sabine et Colette. Elle reste avenante et souriante. Opération bien supportée.  Isabelle reprend bien et sort huit jours plus tard de la clinique. Le lendemain, dimanche des Rameaux, Philippe, venu voir sa mère, lui apporte la communion. Rapidement, Isabelle reprend une vie normale et assiste même au mariage de la fille de ses amis BERGE, à Saint Germain en Laye.

Le 10 mai, Isabelle commence à être fatiguée et ressent des douleurs de rein. Et c'est très fatiguée et changée qu'elle assiste à la profession de foi de sa petite fille Carole OURY.

Le 20 juin, le docteur MOÏSE décide de faire un traitement aux rayons dans une clinique de Neuilly. Isabelle en espère un bon résultat. Ce traitement l’épuise et elle commence à avoir quelques doutes.

Fin juillet, Isabelle note dans son agenda « mois de souffrances ; offert de mon mieux pour mon époux et tous les nôtres, pour les âmes du purgatoire, pour mes péchés ». Elle ne sort plus et passe son temps entre son lit et son fauteuil. Sa soeur Lousette arrive le 7 août pour aider et distraire Isabelle de ses souffrances. Fin des rayons le 25 août. Isabelle veut se confesser le 1er septembre.

Le 2 septembre, visite des Edouard et de leurs enfants. Au départ, Gilles revient sur ses pas pour dire à sa grand-mère « je vous aime bien grand-maman » et pour lui embrasser la main. Cela la touche beaucoup. Le 5 septembre, Lousette quitte la famille. Isabelle éprouve le même jour une grande douleur dans le dos. A partir de ce moment, elle souffre jour et nuit et, le 15 septembre, c'est la dernière note dans son agenda « Seigneur ayez pitié, je n'en peux plus ! ». Le 30 septembre, elle reçoit de l'abbé MERCIER, curé de Saint-Cloud, le sacrement des malades, au début de l'après-midi, avec un recueillement et une foi qui font l'admiration du curé.

Tous ses enfants, y compris Philippe venu de Metz, l'ont entourée et soutenue dans l'après-midi. Mais à partir de ce moment, Isabelle commença se retrancher peu à peu du monde, disant « j'ai compris, ma fin est proche. J'ai fait mon sacrifice ». Les jours qui suivirent, elle s'enferma dans un mutisme, appelant seulement quand elle avait mal ou pour  faire ses dernières recommandations.

Après une alerte le samedi 13 au matin, elle passa encore une journée et une nuit sans souffrir. Et le dimanche 14 octobre, à 8 heures du matin, elle s'en allait doucement sans un râle.



Le 17 octobre 1973, elle fut enterrée à Uckange, dans la sépulture familiale des BERNARD-MICHEL, après une messe dite dans l’église d’Uckange remplie de parents, d’amis et de personnes qui l'avaient connue et aimée, et dont certaines fleurissaient encore sa tombe plusieurs années après sa mort.


Source :  Quelques souvenirs de famille, par Joseph Bernard-Michel

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