samedi 17 mars 2012

Front de Lorraine

Début janvier 1917, nous sommes relevés et partons à Bar-le-Duc pour aller au repos en Lorraine. Nous débarquons à Rambervillers d'où nous gagnons à cheval Charmes puis Bainville-aux-Miroirs, petite localité au Nord de Charmes, sur la route de Nancy à Epinal, traversée aussi par le canal de l'Est.
Ce village est tout près de Mesnil-Mitry. Il est dominé par les ruines d'un vieux château. La principale famille se compose d'un peintre et de sa femme, artiste elle aussi. A la première messe à laquelle j’assiste, je suis suffoqué d'entendre des chants grégoriens d'une remarquable pureté : la chorale avait été créée par la femme du peintre. Nous passons là les fêtes de Noël et du nouvel an puis, vers la mi-janvier, nous allons prendre position à la lisière nord-ouest du village de Domjevin, au nord de la nationale 4. La division a son P.C. à Saint Clément.

Ruines du château de Bainville-aux-Miroirs

On renforce le secteur de Lorraine où l'on s’attend à une attaque allemande au printemps. Le secteur est calme. Les permissions reprennent et je profite de la mienne pour aider mon père à déménager l'appartement de Nancy.

Les troupes américaines sont arrivées en France durant le second semestre de 1917 et, après un séjour dans des camps d'instruction, elles commencent à arriver dans notre secteur, insouciantes du danger et de la discipline. Ceci leur fait prendre des risques qui retombent sur elles en pertes inutiles et les fait peu apprécier des troupes françaises qui en subissent le contrecoup.

Le secteur s'agite et, pendant toute une matinée, notre batterie est pilonnée par des obus de 155 qui, heureusement, ne font pas de victimes mais de gros dégâts. Une autre fois, alors que tout un groupe de ravitaillement en munitions, avec caissons et chevaux est sur la batterie, un violent tir de 105 se déclenche. Les conducteurs se calent entre les chevaux mais les servants doivent emmener les obus aux pièces d’autant plus vite qu'il faut libérer rapidement la colonne qui nous ravitaille.

Pour leur donner du courage, Verchère et moi nous promenons tranquillement parmi eux, tandis qu’ils se couchent à chaque arrivée d'obus. Je dois dire que de savoir ainsi mieux commander ses nerfs, donne une sensation de supériorité impressionnante et même assez grisante.

Source : Quelques souvenirs de la guerre 14-18, par Joseph BERNARD-MICHEL

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