samedi 9 janvier 2010

Une sombre histoire d'héritage ...


Pauvre Jean-Marie SAIN, un des mes ascendants, médecin de l'hospice de Vienne, soupçonné d'avoir accéléré le décès de sa patiente (une parente proche) pour que sa fille bénéficie de l'héritage. Fort heureusement, l'attaque en justice des héritiers naturels, une première fois gagnée, fut perdue lors du procès en appel et du pourvoi en cassation de 1835 comme le démontre l'arrêt ci-dessous :


Le legs fait à la fille du médecin qui a traité la testatrice à sa dernière maladie, peut-il être annulé comme fait à personne interposée , lorsqu'il est constant que cette maladie n'est survenue que plusieurs années après le testament ?

La demoiselle TRAINARD avait, en 1820, institué pour sa légataire universelle, la fille du docteur SAIN, son médecin ordinaire. A son décès, en 1826, ce testament fut attaqué par les héritiers naturels ; une enquête fut ordonnée, et le tribunal de Vienne annula le testament par les motifs que depuis 1817, le docteur SAIN avait donné ses soins à la demoiselle TRAINARD, atteinte d'une maladie cancéreuse ; qu'en 1819 et 1820, il lui avait fait des pansemens et prodigué les secours de son art. Sur l'appel, ce jugement fut infirmé par arrêt de la cour de Grenoble, du 16 janvier 1834. Pourvoi en cassation, et, le 9 avril 1835, arrêt de la Chambre des requêtes, ainsi conçu :

« La Cour; — Attendu, en droit, que la nullité des dispositions entre-vifs ou testamentaires, qu'un malade a faites en faveur d'un médecin, est subordonnée à deux conditions copulativement exigées par la loi ; la première, que le malade donateur ait été traité par le médecin donataire, pendant la maladie dont il est décédé ; la seconde, que la disposition ait été faite pendant le cours de cette dernière maladie (art. 909 C. civ.);

Attendu que le traitement, surtout par l'ensemble des circonstances, la qualité des remèdes et la nature des soins, desquels nécessairement il se compose, présente un fait complexe dont l'appréciation est confiée par la loi aux lumières et à la conscience des juges ;

Attendu que, sur le vu des enquêtes, il a été, par les mêmes juges, constaté en fait, qu'en 1820, époque dans laquelle Marguerite TRAINARD, décédée en 1826, a fait le testament olographe dont il s'agit, en faveur de Marie-Antoinette SAIN, sa petite-cousine et amie, et fille de Jean-Marie SAIN, médecin, loin d'être atteinte d'une dernière maladie qui exigeât un traitement de médecin, il lui a suffi pendant longtems, avant et depuis 1820, des remèdes familiers qu'elle s'appliquait elle-même ou qu'elle se faisait appliquer par d'autres personnes qui la fréquentaient ; qu'il n'était pas même établi par les enquêtes que le docteur SAIN, quoiqu'il fût son médecin ordinaire, eût prescrit ces remèdes familiers ; que, malgré son infirmité , Marguerite TRAINARD, avant et depuis 1820, vaquait à toutes ses affaires, visitait ses amis, prenait des repas en ville, et jouissait de toutes ses facultés ; qu'enfin, ce n'est qu'en 1824, quatre ans après le testament contentieux, que le mal a exigé, de la part du docteur SAIN, un traitement ;

Que, d'après ces faits, en décidant que le même testament serait exécuté, et que la testatrice ayant pu, à l'époque de sa confection, instituer même directement pour son héritier, le docteur SAIN, toute question d'interposition dans la personne de sa fille devenait étrangère à l'espèce, l'arrêt attaqué, loin de violer les art. 909 et 911 C. civ., en a fait une juste application. — Rejette ».

Source : Le contrôleur de l'enregistrement, Publié par Chez le Rédacteur, 1835, p 160

Aucun commentaire: